Que pense-t-on de la lutte contre le GCO ? [1/4]

Et si nous profitions un peu de l’été pour nous nourrir de REFLEXIONS portant sur nos luttes ? Voici une analyse de ce que nous avons vécu sur la ZAD du Moulin depuis l’expulsion de la forêt…

Nous nous sommes inspiré.e.s d’un podcast tiré de l’ouvrage Full Spectrum Résistance de Aric Mcbay dont le 1er épisode s’intitule « SE BATTRE ET GAGNER » (https://floraisons.blog/podcast3/). Des pistes pour comprendre pourquoi pour le moment nous n’avons pas gagné contre cette autoroute folle !

– Il est inutile de vouloir persuader les personnes au pouvoir puisqu’elles sont conditionnées pour être aveugles aux questions de structure de pouvoir qui les ont mises à cette place.

=>Ainsi donc chercher à convaincre le préfet Marx, le président de l’Eurométropole Herrmann ou encore le maire de Strasbourg Ries ne peut avoir d’effet… L’État et le capitalisme sont les deux faces d’une même pièce, on ne va donc pas convaincre l’État de lutter contre le capitalisme. On peut même extrapoler ce fait au maire de Kolbsheim qui s’était fortement engagé dans la lutte contre le GCO depuis 20 ans. Il a apparemment subi de fortes pressions de la part du préfet Marx et d’autres sans doute et sa position de maire (du côté de l’état) l’a empêché de continuer la lutte. Nous sommes plusieurs à nous demander quel type de pression il a subi, ce peut être d’ordre personnel car il a retourné sa veste ou plutôt changé son fusil d’épaule assez soudainement. Le prétexte était les plaintes du voisinage dues à nos chien.ne.s, ce que nous ne contestons pas et avons tenté d’endiguer. Pour lui, il n’est plus question de lutter contre le GCO, ça ne sert à rien, les travaux avancent (ce qui fait partie de la stratégie mise en place lors de grands projets controversés, à savoir avancer très vite pour dégoûter la résistance), mais de lutter contre le couloir à camions. Dany Karcher n’est pas anti-capitaliste et pas contre le système, ce retournement de situation n’est donc pas étonnant en soi. Il avait sûrement trop à perdre à continuer la lutte, sa classe sociale le protégeant des affres de ce système injuste. Le problème, c’est qu’il a entraîné du monde avec lui et cela a participé malheureusement à l’affaiblissement de la lutte. Cela nous ramène à un aspect important qui est celui des responsabilités et des prises d’initiative. Nous avons tou.te.s été éduqué.e.s dans ce système qui se caractérise par une forte hiérarchie rarement remise en cause hors de l’anarchie. Nous avons trop souvent tendance à attendre qu’on nous dise quoi faire, qu’on nous guide et avons du mal à nous organiser sans « leader ». Nous pensons que ceci a été un grand frein à notre lutte et nous aimerions donc insister sur l’importance des groupes affinitaires et de l’organisation autonome.

– « Nous nous battons car c’est la seule chance de survivre, car la civilisation industrielle n’a pas d’issue, car il n’y a nulle part où s’échapper. Avant que la civilisation industrielle ne les extermine, la planète regorgeait de peuples qui savaient vivre de manière soutenable dans leur environnement, qui avaient du respect pour l’égalité et la justice. Si ces peuples indigènes n’ont pas réussi à convaincre la culture dominante de s’arrêter juste en vivant de façon alternative, alors nous ne pourrons pas non plus. »

=>D’où la nécessité de ne pas se contenter de construire le nouveau monde à travers des modes de vie alternatifs (pas suffisant) mais d’ajouter à cela la dimension « destruction de l’ancien monde ». C’est une limite à laquelle nous avons été confronté.e.s à la ZAD.

– « Certes un mouvement de résistance nécessite courage et persévérance, mais aussi beaucoup de travail et d’organisation collective qui n’ont rien de spectaculaire. »

=>Le principe d’organisation a été beaucoup remis en question à la ZAD et souvent confondu avec la mise en place d’une hiérarchie. Ce à quoi j’aurais envie de faire référence à la brochure La tyrannie de l’absence de structure de Jo Freeman. Cette militante du MLF dans les années 70 avait observé que tant qu’un groupe reste dans de la conscientisation d’une domination, il peut se permettre de ne pas être organisé. En revanche dès lors que l’on veut passer à l’action, on a pas d’autres choix que de s’organiser. Sinon, le groupe est menacé de prise de pouvoir informel. De plus, certaines personnes risquent de s’épuiser en assumant trop de tâches qui plus est pas forcément valorisées. Nous avons observé que sur la ZAD les idées ne manquaient vraiment pas, nous avons beaucoup de créativité et d’imagination ! Mais il y a un gouffre entre l’idée et la mise en œuvre de cette idée, surtout dans des conditions de vie précaires (pas d’eau courante, pas d’électricité sur place et manque d’infrastructures). Rien que faire une banderole nous demandait un temps fou, trouver de l’eau, une tasse propre, des pinceaux, de la peinture lorsque tout est dispersé dans des caravanes, un espace à peu près sec pour poser la banderole et qu’elle ne soit pas direct pleine de boue (les jours de pluie on oublie), attention un chien marche dessus ! Ca a son charme des traces de pattes sur une banderole mais en manif, on est tout de suite catégorisé « crasseux »…

– « La radicalité, c’est remonter à la racine du problème, c’est à dire comprendre et confronter les structures comme la ségrégation, le patriarcat ou le capitalisme, maintenues par les institutions. C’est pourquoi les radicaux ont tendance à faire la promotion d’actions politiques qui débordent de ce que les institutions considèrent comme acceptables. »

=>Nous avons bien vu la réaction de certaines personnes du collectif GCO non merci à la suite de l’opération Phoenix (reconstruction de cabane sur le tracé). Nous sommes radicaux et radicales et ce n’est pas le cas de tout le monde dans cette lutte ce qui a eu pour effet de nous affaiblir.

– « Nous devons passer d’une culture de défaite à une culture de résistance. La culture de défaite célèbre la faiblesse, le manque de vision et d’audace. Elle recherche la pureté personnelle dans les modes de vies, les militants se jugent les uns les autres dans une hostilité horizontale. Elle mène ses membres à une tristesse, un épuisement jusqu’au retrait, et une omniprésence d’actions symboliques. Sans buts précis, clairs, identifiables, atteignables, les personnes ont du mal à trouver un terrain d’entente et se battent entre elles. Ces divisions sont un désastre car nous avons besoin d’une diversité de personnes engagées, avec différentes compétences et histoires personnelles.

La culture de résistance au contraire privilégie la solidarité, la communauté, les actions efficaces. La rage est un moteur de la lutte. Si elle n’est pas projetée contre l’oppresseur, elle se fera contre les camarades. Nous devons utiliser cette rage dans des actions qui changent le monde. »

– Il est aussi question du mythe de la non-violence. Dans la lutte pour la libération de l’Afrique du Sud et dans celle de l’indépendance de l’Inde, la violence et la non violence se sont complétées menant à la victoire. Il faudrait distinguer efficace/inefficace plutôt que violence/non violence. « L’existence de groupes radicaux actifs rend le travail des groupes modérés bien plus facile. » Peut-être que dans la lutte contre le GCO, nous avons été trop pacifistes ? Aussi, comment définir la violence ? A la ZAD, nous pensons que la violence, c’est plutôt contre les formes de vie ainsi détruire une machine n’est pas violent pour nous. Nous n’avons jamais eu envie de violenter qui que ce soit dans cette lutte et c’est plutôt nous qui avons été violenté.e.s par les forces de l’ordre. Cependant on peut se poser cette question : Le GCO va produire un appel d’air de camions sur toute l’Alsace et au-delà créant ainsi plus de pollution. Des milliers de personnes en plus vont être victimes de maladies cardio-vasculaires, ce qui ne serait pas le cas sans le GCO, donc des personnes vont mourir prématurément. Et c’est sans compter la disparition d’écosystèmes entiers (vies animales et végétales). C’est aussi sans compter l’anéantissement de terres agricoles qui pourraient être converties en cultures vivrières en cas d’effondrement du système et ainsi sauver du monde. Porter atteinte à une des personnes responsables de ce désastre peut être efficace pour l’empêcher. C’est une question de philosophie morale, est-ce que ça ne vaudrait pas le coup de sacrifier une personne pour en sauver des milliers ? On vous invite à lire Comment la non-violence protège l’etat de Peter Gelderloos.

– « Dans le système capitaliste, où l’argent est roi et la propriété sacrée, les puissants ne comprennent qu’une seule chose : les attaques qui mettent en danger leur revenus, parts, investissement, richesse. La décision de s’attaquer aux propriétés ne se base pas sur des réflexions d’éthiques mais bien sur des questions d’efficacité. Si une personne veut immobiliser une voiture, elle ne va pas abîmer le petit miroir du pare-soleil, elle va plutôt détruire le moteur car c’est l’élément le plus cher et le plus difficile à réparer. »

=>Peut-être aurait-il fallu plus de dégâts matériels afin de contrer le GCO.

– La diversité des tactiques : « la réalité historique nous montre que les mouvements qui ont réussi ont presque toujours utilisé une diversité des tactiques. » Il est présenté un tableau sur la taxonomie de l’action avec d’un côté l’action indirecte (éducation, manifestation symbolique et lobbying) qui demande du monde et de l’autre l’action directe (confrontation directe) avec plus de risques encourus. « Dans les mouvements de résistance, seulement 2 ou 3 % des personnes sont engagées en première ligne d’une confrontation directe avec le pouvoir. La vaste majorité soutient celles et ceux qui sont au front, grâce au recrutement, entraînement, transmission d’informations, hébergement, transport des activistes, etc. La confrontation directe inclue les occupations, blocages, expropriations, destructions de biens, et violence contre les personnes. La destruction de propriété n’est pas forcément violente, il ne s’agit que d’objets ou de bâtiments. Et on peut dire au contraire que de nombreuses propriétés sont violentes, car elles maintiennent une violence contre les travailleurs ou la planète. » Malheureusement, depuis l’expulsion de la ZAD du Moulin dans la forêt, les soutiens ont été bien moindres même si quelques irréductibles ne nous ont pas lâché.e.s un grand merci à elles et eux ! Nous avons dû établir de nouveaux lieux de vie, construire une cabane pour avoir un endroit chaud l’hiver, nous organiser pour chercher de l’eau et charger les téléphones au village, trouver des solutions pour avoir à manger (merci pour les patates et le pain, ouf les poubelles des supermarchés sont toujours pleines dans ce monde de fou…), nous organiser entre nous avec les fameuses réunions du mardi soir, nous organiser avec les personnes extérieures dans les stratégies de lutte un dimanche sur deux et en plus de tout ça car c’était bien le but de la manœuvre, lutter contre les machines de Vinci et l’appareil répressif de l’état… accessoirement faire un peu de comm’ pour vous tenir informé.e.s et organiser quelques événements festifs ainsi que participer aux diverses marches pour le climat. Pour couronner le tout, des indics nous ont été gentiment envoyés pour nous saboter de l’intérieur !

– Les dominations aie aie aie : « Le célèbre adage Diviser pour mieux régner est le principe opératoire de chaque empire. Les puissants ont toujours œuvré sans relâche à mettre en compétition les classes dominées les unes contre les autres.. C’est comme ça qu’ils se maintiennent. Le succès d’une lutte pour la justice dépend lourdement de notre capacité à surmonter cette stratégie de division.  Une chose paraît donc évidente : aucun mouvement ne pourra jamais apporter une libération future s’il ne combat pas en interne les attitudes oppressives. Ces attitudes peuvent être le sexisme, le racisme, le classisme, l’homophobie, la transphobie, le capacitisme, l’âgisme, ou autres. Un mouvement ne peut pas mener un combat politique s’il est trop occupé à abuser ou à dénigrer ses propres membres ou ses allié·es.

Si par exemple une femme qui pourrait être une brillante stratège est mise de côté au profit d’un homme plus bruyant mais moins talentueux qui domine le groupe, c’est tout le groupe et son potentiel stratégique qui en pâtit. De plus, les personnes opprimées ont bien plus conscience de la façon dont le pouvoir fonctionne et sont indispensables pour penser les stratégies de démantèlement de ce pouvoir. » Sans commentaires !!

La semaine prochaine, on vous proposera le même type d’analyse de ce qu’on a vécu à la ZAD du Moulin à partir du 2ème épisode de Full Spectrum Resistance « Recruter, s’organiser, se protéger » !

Des zadiens –

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