Voici la 4ème et dernière partie de notre analyse de la lutte contre le GCO au regard du podcast de floraisons.blog, lui-même inspiré de l’ouvrage Full Spectrum Resistance. Cette 4ème partie se divise en 2 publications dont voici la 1ère.
Dans les deux premières parties, nous avions vu pourquoi se battre, la nécessité d’une diversité des tactiques, d’être solidaires dans notre lutte, comment recruter, comment nous aurions pu mieux nous organiser et nous protéger. Dans la troisième partie, nous avions étudié comment communiquer, comment obtenir des informations sur nos ennemis, déjouer la surveillance et éviter la répression. A présent, nous allons nous concentrer sur ce qui permet la mise en place de l’action, à savoir la logistique, les tactiques et les stratégies. Nous traitons toujours ce sujet au regard de ce que nous avons vécu à la ZAD du Moulin.
La Logistique & La Collecte de Fonds
« Les amateurs étudient la stratégie. Les professionnels étudient la logistique » — proverbe militaire
Qu’est-ce que la logistique ?
« Il s’agit des déplacements de personnes, de l’approvisionnement d’équipements, et des services. Parfois la logistique est divisée entre mouvement, matériel et maintenance. L’auteur cite l’exemple de la guerre du Vietman pendant les années 60 pour mettre en évidence l’importance de la logistique pour un mouvement de résistance. L’armée américaine qui a envahi le Vietman avait besoin d’un énorme approvisionnement pour ses infrastructures et ses forces. Chaque soldat américain avait besoin de 150kg d’équipement par jour, qui devaient être acheminés pour permettre l’invasion. En face, les résistant·es vietnamien·nes n’avaient quasiment rien. Ils et elles n’avaient pas d’économie industrielle, mais avaient des terres. Alors ils et elles se sont enterrées. Les résistants ont développé des techniques de guérilla en creusant des tunnels pour se cacher sous la forêt, et récupéraient les déchets des américains pour fabriquer leurs propres pièges. Les infrastructures de l’armée de libération nationale se situaient presque entièrement sous terre, dans des tunnels que les américains avaient le plus de mal à déceler. L’armée américaine a incendié et bombardé les forêts du Vietnam. Quand une bombe n’explosait pas, les résistants vietnamiens allaient la récupérer pour la recycler et fabriquer des pièges et des grenades. La force logistique des US fut aussi son point faible. Malgré son écrasante supériorité militaire, l’armée américaine fut forcée de quitter le pays. Et malgré son infériorité militaire, et au prix de souffrances, de courage, de techniques rudimentaires mais astucieuses, le Vietnam a mis en déroute l’armée la plus puissante au monde.
Que retirer de tout ça ? Que les conflits peuvent être excitants et dramatiques, mais que les victoires dépendent tout autant de la logistique que des stratégies et tactiques. Ceci fut valable qu’il s’agisse d’un mouvement armé clandestin ou bien d’une lutte strictement non-violente : les personnes qui engagent leur vie ou leur temps dans la lutte ont besoin de manger, d’un endroit où dormir, de se déplacer sur le lieu du conflit, elles ont besoin d’outils et de services. Pour les blocages de désobéissance civile de masse, la logistique consiste à nourrir les activistes, à apporter un soutien juridique pour les personnes arrêtées ou condamnées, des tracts diffusés dans la rue. Pour les mouvements de résistance armés, la logistique fut l’approvisionnement en munition, les cachettes et les soins médicaux. La logistique est souvent négligée pendant les périodes calmes, pourtant elle peut devenir le principal obstacle à l’escalade d’une campagne. » // L’évacuation de la ZAD dans la forêt a occasionné une grande perte de matériel, aussi bien de matériel de la vie quotidienne (ustensiles de cuisine, vêtements, affaires personnelles…) que de matériel spécifique à la lutte (téléphones, outils divers…). Afin de continuer la lutte, il a ensuite fallu se re-procurer le matériel, ce qui a un coût et prend du temps. Lorsqu’on arrive à réunir le matériel dont on a besoin, il est important de le ranger dans des endroits sûrs pour pouvoir facilement trouver ce dont on a besoin quand on en a besoin. Sauf qu’on avait pas vraiment d’endroits sûrs. De plus, il y a eu du vol de matériel personnel de lutte sur la fin. Attention sur zone à s’organiser avec des personnes de confiance. On ne réussira jamais à détruire ce système en fonctionnant avec des personnes capables de voler du matos de lutte.
Financement des groupes de résistance
« Les organisations ont besoin d’argent, mais chaque source d’argent comporte des difficultés. La collecte de fond par la base est laborieuse, mais les dons généreux qui viennent de sources privées nécessitent souvent de faire des compromis. […] les groupes radicaux peuvent mettre eux aussi en place leur propre système de financement à la base, des collectes de fond, et ce n’est pas une honte. C’est un sujet sensible qui n’est pas abordé en priorité par les groupes radicaux, nous allons voir comment protéger à la fois notre intégrité morale et notre porte-monnaie. » // Sur la ZAD du Moulin, on a beaucoup entendu des personnes parler de vivre sans argent et y parvenir. C’est super de pouvoir vivre sans argent mais lutter sans argent est franchement impossible. On peut lutter avec peu d’argent mais on a besoin d’un minimum, ne serait-ce que pour l’essence des véhicules, la nourriture que l’on ne trouve pas ou très rarement dans les poubelles des supermarchés (huile, sucre, café…), les outils… On peut toujours s’arranger pour faire des récups de supermarchés, voler les magasins capitalistes, recevoir sous forme de dons pas mal de choses bien sûr mais cela demande plus de temps, d’organisation (mettre à jour la liste des besoins en priorisant certaines choses sinon on a vite une liste immense) et peut parfois comporter des risques. Dans notre cas, nous n’avions pas de temps puisque le chantier avançait à grands pas et nous manquions cruellement d’organisation.
« Les mouvements de résistance sont comme des cercles concentriques. Une masse de base soutient le mouvement de loin, des auxiliaires aident ponctuellement l’organisation. Les cadres, leaders et combattant·es forment le cœur le plus dévoué du mouvement. Recruter, c’est faire se déplacer les personnes vers le cercle intérieur, de sympathisantes à membres actives. Le financement fonctionne de la même façon. Une relation commence avec un groupe de personnes extérieures, à qui vous demandez de soutenir votre mouvement. Plus le temps passe, plus cette relation se renforce et vous pouvez encourager les personnes à faire des contributions plus grandes et régulières. »
« En bas de la pyramide, c’est la majorité des personnes sympathisantes, elles ont peu d’engagement, elles donnent peu d’argent, et n’ont pas besoin de beaucoup de temps de contact. En haut de la pyramide se situent les personnes qui s’impliquent le plus et donnent le plus d’argent, et ont besoin qu’on leur consacre beaucoup de temps. Il y a une relation directe entre le temps et l’argent : pour recevoir beaucoup d’argent, il faut y passer beaucoup de temps.
En tant qu’ activistes, et particulièrement les radicaux, nous travaillons souvent dans une bulle avec des personnes qui pensent comme nous. Mais le périmètre de ce seul petit groupe doit être dépassé pour financer des organisations efficaces. Le financement est bien sûr quelque chose qui nous dégoûte, à juste titre, quand on ne veut pas reproduire les structures d’un système capitaliste que l’on cherche à dépasser. De plus, ce n’est pas facile de parler de sujets radicaux à des inconnu·es ou des voisin·es. Mais sans réfléchir à la logistique, les questions stratégiques sont des paroles lancées en l’air. Il est donc très important pour les radicaux d’apprendre à construire cette base de soutien logistique, qui va de paire avec le travail de sensibilisation sur les sujets qui nous animent. » // Nos sources de financement ont été des dons lors des manifs, lors des événements organisés, et des dons de personnes qui venaient régulièrement. Nous n’avons pas vraiment cherché à trouver des financements par nous-mêmes.
« Les personnes acceptent de donner de l’argent parce qu’elles nous aiment bien ou parce qu’elles se sentent coupables. Elles savent qu’elles devraient faire quelque chose concernant le problème, mais elles ne savent pas quoi. Elles peuvent aussi donner de l’argent pour faire comme les voisins ou bien parce qu’elles ont peur de l’avenir. Les gens donnent de l’argent lorsqu’ils sont en confiance. Le plus important n’est pas d’attirer la pitié, ni de convaincre absolument, mais d’inspirer la confiance grâce à une attitude positive. Si vous avez confiance en vous-mêmes, les gens voudront vous aider. » // Après l’évacuation de la forêt de Kolbsheim, des personnes ont proposé de gros dons et voyant l’attitude de certain.e.s d’entre nous et notre désorganisation, ont eu peur de nous donner de l’argent, c’est clair. D’ailleurs, les dons n’ont pas toujours été utilisés à des fins de lutte. Nous avons eu de longs débats à ce sujet, certains disant que le fait de vivre sur la ZAD ne permet pas de travailler ainsi l’argent doit aussi servir aux « extras » des zadistes. Attention à bien définir dès le début à quoi doivent servir les dons. Nous savons que les gens qui font des dons le font pour que cela serve à la lutte et pas pour nourrir nos addictions qui de plus ont tendance à nous affaiblir. L’argent d’un lieu de lutte doit servir à nourrir la lutte.
« Soyez clairs avec ce à quoi va servir l’argent. Si votre cause a l’air vague ou mal organisée, les gens ne donneront pas. Vous allez devoir vous entraîner, surtout pour les radicaux et anticapitalistes, car demander de l’argent est un exercice très désagréable. Malheureusement nous vivons encore dans une société basée sur l’argent et ça doit être pris en compte. Attendre les bras croisés que les dons et les approvisionnements arrivent d’eux-mêmes n’est pas un service que vous rendez à votre groupe. »
Évènements et ventes
« Des évènements comme des projections de films, des conférences, des concerts etc. peuvent être des sources de financement importantes pour certains groupes. Un évènement bien organisé peut parfaitement correspondre à votre base, peut être renouvelé et amélioré. Mais attention car ces évènements peuvent aussi devenir des gouffres en terme d’énergie, de temps, et parfois d’argent en cas d’échec. » // Il est compliqué pour des personnes vivant sur une ZAD d’organiser des événements, le quotidien en mode collectif et dans des conditions de vie précaires (dans notre cas avec des blocages réguliers des chantiers) étant si intense et prenant déjà beaucoup d’énergie. L’idéal est que ce soit des extérieurs ou assos qui s’en chargent et que les personnes sur la ZAD y participent mais ne portent pas tout (comme ça a été le cas avec le festival des Bishnoïs dans la ZAD à l’époque de la forêt et avec l’asso Vegan Bastards Krew qui a organisé une soirée de soutien). Organiser un événement sans accès simple à internet et l’électricité, c’est chaud…
// Sur une ZAD, la gestion de l’argent est cruciale. A la ZAD du Moulin, une grande partie de l’argent était détenu par une personne de confiance hors zone et était surtout destinée à la caisse anti-répression pour pouvoir payer les amendes des personnes en procès. Une partie de cet argent était détenu par des personnes vivant proche de la ZAD et que nous pouvions aller voir pour les dépenses régulières. Une personne de confiance sur chaque lieu de vie était censée chercher de l’argent chez une de ces personnes et gérer l’argent de son lieu de vie. Pratiquement, il faut avoir un porte-monnaie dédié avec un cahier de comptes dans lequel on répertorie les dépenses puis en rendre compte en réunion hebdomadaire. C’est compliqué de conserver une grosse somme sur zone avec tout le passage qu’il y a. Et sur zone, la plupart d’entre nous est pauvre et même si on est tou.te.s plutôt contre ce système basé sur l’argent, quand il y a de l’argent, ça crée forcément des problèmes si ce n’est pas géré de manière sérieuse. De l’argent de la lutte qui sert à des dépenses personnelles, c’est de l’argent en moins pour la lutte et tout le collectif en pâtit. C’est ce qui s’est passé à la ZAD du Moulin. Nous avions aussi de grands débats sur accepter ou non les aides sociales qui viennent de l’État que l’on combat. Sur zone, on a pas besoin de beaucoup d’argent personnellement. Il y a à manger, où dormir, des vêtements, normalement de quoi se soigner et une caisse anti rep pour les amendes… Du témoignage de nombreuses personnes ayant vécu sur une ZAD, l’argent personnel sert essentiellement pour les véhicules personnels (essence et assurance) et les addictions (tabac, alcool…). Ce qui est sûr, c’est qu’il semble plus éthique d’un point de vue zadiste de se servir de l’argent de l’État pour cela plutôt que le peu d’argent qu’on a dans la caisse de lutte.
Logistique révolutionnaire
Quels sont les besoins logistiques ?
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Les besoins de base des membres : alimentation, habits, logement, etc
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L’équipement nécessaire au conflit : mégaphones, bannières, antivols etc pour les actions directes non-violentes. Pour les guérillas cela inclurait plutôt des armes, munitions, explosifs, etc
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Entretien et stockage
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Transport des personnes et des équipements
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Installations : lieux d’entraînement, de rencontre, cantines, etc
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Aide médicale et premiers secours
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Soutien pour les familles des résistant·es
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Autres services importants (communication, énergie, etc)
// Qui dit besoins logistiques dit compétences associées. On a beaucoup de besoin très pratiques et cette société ultra technologique et informatique nous a souvent éloignés de ces savoir-faire. On a besoin de personnes sachant construire des cabanes, réparer des véhicules (mécanique, soudure…), monter des barricades efficaces (tout un art), jardiner, cuisiner pour plein de gens, écouter les personnes qui vont mal (traumatisme militant, trajectoires de vie difficiles, burn-out militant…), reconnaître les plantes sauvages comestibles, connaître les gestes de premier secours et la médecine populaire, réparer des vêtements, sécuriser nos communications informatiques, etc etc. Cette liste est bien loin d’être exhaustive. Il y a beaucoup d’éparpillement sur une ZAD, les possibilités sont tellement grandes et les moyens souvent faibles ! Ce qui pourrait peut-être aider, c’est que chacun.e ait une ou plusieurs spécialités et puisse les transmettre car excellerait dans son/ses domaine.s. Cela aiderait des personnes à retrouver confiance en elles. Cela permettrait aussi à chacun.e de se concentrer sur une quantité limitée de choses, de ne pas partir dans tous les sens et s’éparpiller. L’être humain a besoin d’accomplir des choses et pour cela de se concentrer sur certaines tâches. Et ce n’est pas parce qu’on est contre le travail comme système d’exploitation que l’on est contre le travail authentique et choisi. On a pu observer que des personnes ayant de réelles capacités dans un domaine étaient très sollicitées et apportaient énormément en termes pratiques au groupe (exemple de notre guérisseuse de choc!!).
Les principes clés de la logistique
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Prévoyance : Anticiper les besoins pour éviter la confusion et la pénurie
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Économie : Minimiser la consommation des ressources
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Souplesse : Faire avec les moyens du bord
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Simplicité : Utiliser des systèmes d’approvisionnement basiques et fonctionnels
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Coopération : Partager les systèmes logistiques et les ressources quand c’est possible
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Auto-suffisance : Mettre en place des chaînes d’approvisionnement courtes et locales
« La résistance construit son propre système logistique révolutionnaire tout en détruisant le soutien logistique de l’adversaire. Les mouvements de résistance efficaces de l’histoire étaient basés sur des technologies simples et des économies à l’échelle communautaire. Pour réussir dans un contexte d’effondrement économique et industriel, des mouvements de résistance à visage découvert ont eux aussi besoin de développer des moyens locaux de subvenir aux besoins en nourriture, eau, abris, etc » // On se démerdait plutôt bien pour manger grâce à la récup de supermarchés et les dons en nourriture. L’eau, on allait la chercher au presbytère ou au cimetière. Et comme abris, c’était cabanes, camions aménagés, caravanes et tentes. C’est clair que le fait de vivre en collectif permet de répartir le travail nécessaire à la survie sur plein de gens même si ça a aussi un côté fatigant!
« La logistique est une catégorie coûteuse, c’est pourquoi la majorité des personnes dans les mouvements de résistance passent leur temps à s’en occuper, et que seulement un petit pourcentage est sur le front. La logistique est essentielle pour passer de la dissidence à la résistance active. Les militant·es passionné·es qui se focalisent trop sur le conflit négligent parfois le soutien matériel nécessaire pour mener à bien ce conflit. Les campagnes et organisations efficaces ont besoin d’une puissante base de soutien. Si un groupe échoue à développer cette capacité logistique, il est limité aux actions les plus basiques, ponctuelles et de petite échelle. » // La question matérielle a été beaucoup trop négligée dans cette lutte. Quand on prévoit une action, il est nécessaire de se projeter dans la logistique rapidement. Voir ce qui est matériellement envisageable puis construire l’action autour de ça et non l’inverse.
« Il y a d’autres raisons pour lesquelles les militant·es peuvent manquer de soutien logistique, c’est parce que les combattant·es dénigrent parfois les personnes qui travaillent pour la justice sociale et qui peuvent fournir les services ou le travail d’organisation de la communauté. Ces personnes peuvent fournir l’aide et les conseils logistiques pour les personnes sur le front, mais c’est impossible si les militant·es jouent au plus radical et n’établissent aucune relation avec les personnes modérées. // C’est pourquoi créer et entretenir des liens avec des organisations telles que ANV-COP21 et Extinction Rébellion est très important malgré certains désaccords (non-violence dogmatique, hiérarchie…) // Par ailleurs, la logistique est sous-estimée dans l’histoire des mouvements de résistance car elle a bien souvent été l’œuvre des femmes. C’est un énorme travail invisible qui s’efface sous les exploits guerriers, pourtant les capacités logistiques ne se construisent pas en une simple nuit. Les infrastructures de résistance se développent parfois plusieurs années en amont du début des hostilités. » // Oh non encore du sexisme dans nos luttes… Tout le monde est invité à prendre sa part du travail dans la logistique comme dans le ménage ! Et les mecs excités qui veulent faire plein d’actions devraient commencer par se poser la question de la logistique !
« Nous avons vu dans ce chapitre à quel point la logistique est primordiale pour envisager les questions de stratégie et de tactique. Les combattant.e.s ne peuvent pas se battre s’il n’y a pas les moyens matériels de soutenir la lutte. Et disposer de grandes quantités de matériel et de personnes est inutile si vous ne pouvez pas déplacer ces personnes et ce matériel efficacement là où il faut, au moment où il faut. » // Sur les ZAD, on est très souvent limité par nos faibles capacités de déplacement de matériel encombrant méga utiles (poutres, palettes pour construire et barricader, tome à eau, grands bidons…). Il y a beaucoup de gens en camions aménagés pas adaptés au transport de trucs encombrants. Et il y a généralement quelques voitures pas forcément équipées d’attache-remorque. Et s’il y en a une équipée, encore faut-il avoir une remorque. Et bien sûr, tout ce matériel doit être fonctionnel ! // « Les actions efficaces, les tactiques efficaces, émergent des communautés de résistance et nécessitent les capacités de soutien que nous venons de décrire.
Nous allons maintenant parler d’action plus en détail. L’action est le but ultime d’un mouvement de résistance. Nous allons aussi parler de la tactique, le niveau le plus détaillé du conflit et enfin de la stratégie, qui est plus globale. Mais en réalité, la tactique et la stratégie ne fonctionnent pas séparément. Les tactiques ne peuvent être évaluées que dans le cadre d’une bonne stratégie, et les stratégies sont basées sur les tactiques disponibles.
Actions et Tactiques
« Ce n’est pas l’oppressé qui détermine les moyens de résister, mais l’oppresseur » —Nelson Mandela
« Aric McBay raconte qu’en tant que jeune activiste, on lui a enseigné des connaissances tactiques (comment tenir une barricade, comment se protéger des lacrymos, comment écrire un communiqué de presse), ainsi qu’une analyse politique sur l’économie, l’état, le capitalisme. La tactique et l’analyse politique sont très importantes, mais sans solides connaissances sur l’organisation, sans perspectives stratégiques, le flot continu de mauvaises nouvelles sur les atrocités et les destructions dans le monde peut devenir déprimant, démobilisateur. » // La plupart des personnes arrivant sur ZAD ont déjà pas mal réfléchi aux problèmes de ce monde et il faut qu’ils et elles aient la possibilité de mettre des choses en œuvre. On a vu des personnes tellement abasourdies par les mauvaises nouvelles et ne pas savoir qu’en faire. Il faut vraiment que tout le monde puisse transformer ces « énergies négatives » en « énergies positives » ou bien en termes moins ésotériques passer d’une culture de défaite à une culture de victoire. // « Nous devons étudier, pratiquer et enseigner la stratégie. »
Principes stratégiques et tactiques
« La stratégie de résistance commence avec la compréhension que les dirigeants ont beaucoup plus de ressources que nous (armes, tanks, grands médias, police anti-émeute), et que dans une bataille rangée, ceux au pouvoir gagneront presque toujours. Les mouvements de résistance réussissent en étant rusés, en engageant leur ennemi aux lieux et moments où ils peuvent gagner. Ces principes tactiques et stratégiques ont été développés pendant des milliers d’années de conflits, que ce soit les guérillas, les grèves et les campagnes de désobéissance civile. Ils ont été exprimés par Sun Tzu, Clausewitz, par les partisans soviétiques et les guérillas d’Amérique latine, par les formateurs à l’action directe non-violente et les théoriciens militaires. Ils sont étudiés par les officiers de l’armée et les commandants de guérillas, car si ces personnes ne suivent pas une bonne stratégie, les conséquences sont immédiates, évidentes et sanglantes. Mais trop de mouvements sociaux modernes oublient ces principes parce qu’ils se basent sur le lobbying plutôt que sur la perturbation, et parce qu’ils ne s’attendent pas à gagner. » // Clairement, dans la lutte contre le GCO, les militant.e.s ont surtout misé sur le lobbying (manifestations, événements d’information, diffusion de tracts, autocollants, pourrissage de rencontres politiques, recours juridiques, analyses très poussées du projet…). Une grève de la faim de 30 jours a été faite, c’est énorme 30 jours sans manger ! Mais voilà, ça n’empêche pas le chantier. Les dirigeants et Vinci le savent bien et se sont bien foutu de notre gueule ! Quand les pourris décident de passer leurs projets de merde en force, ce n’est pas ça qui les arrête ! Un juriste de la lutte le dit : « C’est un cas d’école le GCO, on a eu un sans faute juridique et pourtant le projet est en train de se faire !» Toutes ces personnes n’ont sûrement pas vécu beaucoup d’oppressions dans leur vie et étaient aveuglées par la confiance qu’elles avaient dans les institutions et la soi-disant démocratie dans laquelle on vivrait. Des personnes disent avoir été « déniaisées » en voyant comment la contestation a été écrasée. Beaucoup ont vraiment découvert les rouages obscurs de l’État. Les multinationales et les politiques se moquent bien des recours juridiques et savent que cela nous coûte en temps et en argent. D’ailleurs, tout ce qui se fait sur une lutte est fait de manière bénévole avec peu de moyens. Forcément, Vinci en face ils ont tellement d’argent (c’est facile quand on pratique l’évasion fiscale et qu’on fait bosser des esclaves népalais au Qatar)!! Ils vont jusqu’à avoir des avocats qui viennent pour charger la mule lors des procès d’opposants qui sont sans ressources financières! Il y avait des soupçons très sérieux de corruption du tribunal administratif de Strasbourg tant les rendus des recours en justice étaient grotesques ! Par exemple, dans l’ordonnance du Tribunal Administratif de Strasbourg du mardi 25 septembre 2018, les juges estiment que malgré des doutes sur la légalité des arrêtés, des « troubles à l’ordre public » sur les travaux préparatoires et « l’intérêt général » du projet conduisent « à titre exceptionnel » de ne pas suspendre les travaux définitifs du Grand contournement ouest (GCO) de Strasbourg. Il aurait fallu beaucoup plus perturber physiquement le chantier. C’est vraiment matériellement que ça se joue quand on en arrive à ce point-là de corruption !!
« Voici 11 principes stratégiques et tactiques pour l’action directe et la perturbation. Ils ne sont pas utilisés dans chaque conflit mais un mouvement de résistance efficace en utilisera plusieurs suivant la situation.
1. Objectif clair
« Les résistant·es passent à l’action avec des objectifs clairs et atteignables à l’esprit. Dans l’idéal, cet objectif est décisif. Ce but motive les membres, et définit la structure, les stratégies et tactiques du mouvement.
Les objectifs à long terme sont faciles à déterminer (par exemple la paix mondiale), mais si les objectifs à court terme ne sont pas définis clairement, alors la campagne risque de s’arrêter. Les objectifs à court terme doivent être atteignables dans un futur proche afin d’encourager le groupe à continuer. Ils doivent être mesurables, avec une échéance, et doivent être un pas significatif vers l’objectif à long terme. » // Rapidement, avec le démarrage en grande pompe du chantier, la plupart des membres du collectif GCO Non Merci ne croyait plus que l’on pourrait arrêter le chantier et leur objectif n’allait plus dans ce sens contrairement aux personnes engagées sur la ZAD. L’objectif du collectif est devenu d’empêcher le couloir à camions qui serait créé par le GCO. Nous avons toujours bénéficié de l’aide juridique du collectif mais ça aurait été cool d’avoir une aide matérielle et organisationnelle pour le montage d’actions diverses autre que des blocages!
« Si l’objectif est clair, les résistant·es peuvent examiner leur action passée et déterminer si du progrès a été réalisé. Les stratèges militaires distinguent 3 différents types d’opérations :
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Opérations décisives : elles accomplissent directement l’objectif final
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Opérations de mise en forme : elles changent les conditions de la lutte pour rendre la victoire plus probable
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Opérations de soutien : elles aident les opérations décisives ou de mise en forme
Par exemple, pour un groupe de guérilla sous l’occupation nazie en Europe, les opérations décisives pouvaient signifier assassiner les officiers Nazi, les opérations de mise en forme pouvaient être la distribution de presse clandestine, et les opérations de soutien pouvaient être l’attaque d’un poste de garde pour les munitions. Chaque action de résistance a besoin d’un objectif tactique clair qui permet d’avancer dans la stratégie globale.
Une bonne tactique permet d’accomplir plusieurs des points précédents. Presque toutes les actions directes fructueuses arrivent dans le contexte d’une campagne. Ce qui signifie que du travail politique (et pas seulement logistique) a été fait en amont. Un débat revient souvent, est-ce que les actions doivent être ou non «symboliques » ? L’histoire de la résistance montre que les actions directes décisives doivent être une priorité quand elles sont possibles. Mais la plupart des actions ont aussi une composante symbolique, elles envoient en même temps un message, que ce soit de la solidarité envers les camarades, un avertissement pour les puissants, ou un appel au défi en général.
Dans l’idéal, une action est planifiée pour que chaque issue possible achève certains objectifs stratégiques. Et dans l’idéal le juste équilibre est trouvé entre des objectifs atteignables à court terme et une stratégie qui a du sens sur le long terme. » // Nous manquions cruellement de personnes déjà expérimentées sur les stratégies de lutte et avions toujours l’impression d’être pris au dépourvu, de ne pas avoir le temps…
2. Attaque / Initiative
« Le combat de guerre, et par extension les actions moins violentes, dépendent de quelques règles générales.
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On ne gagne que grâce à l’attaque. Même si on doit être capable de bien défendre, on ne gagne pas en s’asseyant et en laissant l’opposition faire ce qui lui plaît, mais en attaquant.
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On doit chercher à initier le combat selon nos propres termes : à décider où, quand, et comment il aura lieu.
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L’initiative est la clé. On doit chercher à avoir l’initiative et à ne jamais l’abandonner si c’est possible.
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On doit chercher à construire le mouvement rapidement et à gagner de façon décisive. »
3. Concentration
« Les forces éparses et isolées sont facilement écrasées et défaites. Les résistant·es efficaces concentrent leurs efforts pour avoir une force écrasante là où c’est important. Ils et elles convergent sur les points les plus efficaces, où leurs actions auront le plus d’impact, sur les points faibles de ceux au pouvoir.
C’est par exemple ce qu’ont appris les résistant·es Irlandais·es après le Easter Rising. Ils ont d’abord engagé leur forces pour occuper des bâtiments du gouvernement, en sacrifiant leur mobilité et flexibilité. Ce choix les a engagés dans une action de longue durée où ils se sont retrouvés dépassés par l’adversaire, beaucoup plus puissant. Ce n’est qu’à partir du moment où ils ont changé leur approche (isoler et attaquer des plus petites cibles avec leur force écrasante) que le conflit a basculé en leur faveur.
Trop souvent, les dissident·es politiques combattent sur le terrain de l’ennemi suivant ses règles. Les requêtes parlementaires, les tribunaux, les doléances publiques… tout cela est conçu pour que les dissident·es aient le moins de chance de réussir. Pour un mouvement de résistance, augmenter ses chances c’est choisir les tactiques qui lui permettent de maximiser ses forces. Et les tactiques disponibles dépendent du nombre de personnes prêtes à passer à l’action. » // Nous avons eu du mal à concentrer notre énergie sur des actions efficaces. A la ZAD, nous nous éparpillions beaucoup sur des blocages ponctuels dans le temps et dans l’espace. C’était convivial, ça regroupait des personnes militantes de Strasbourg et alentour, des personnes retraitées, des personnes de la ZAD, on apportait du café et de quoi manger… Mais ça n’était pas d’une efficacité redoutable en terme d’obstruction du chantier… Beaucoup de temps et d’énergie se sont perdus dans des recours en justice gérés par l’association Alsace Nature et une équipe d’avocat.e.s. D’un autre côté, c’est aussi le fait que des personnes aient une très bonne connaissance du projet, aient fait les démarches légales nécessaires pour s’y opposer qui justifient de passer à un niveau supérieur d’opposition. Attention donc à ne pas sous-estimer le travail de la composante « légaliste » d’une lutte. Cela ne doit juste pas empêcher de bien réfléchir aux tactiques à mettre en place et de ne pas se cantonner à combattre suivant les règles de l’ennemi. Se regrouper et s’organiser entre personnes prêtes à passer à l’action.
4. Mobilité / Flexibilité
« Pour gagner, les résistant·es doivent être capable de s’engager là où leur force est supérieure, en utilisant les tactiques qui leur donnent l’avantage. Cela peut signifier être physiquement mobile, ou faire preuve de flexibilité et agilité tactique. Les mouvements de résistance devraient être capables de changer rapidement entre différentes tactiques, d’en utiliser de nouvelles, de délaisser celles qui sont inefficaces, de varier leur « mix tactique ». » // Etre capable de changer rapidement entre différentes tactiques suppose d’être organisé et d’avoir suffisamment de moyens matériel et humain. Ca n’était pas notre cas d’où nos difficultés à freiner le chantier. // « Les mouvements efficaces maintiennent cette flexibilité nécessaire en évitant d’avoir une approche doctrinaire ou puriste des tactiques. Ils ajustent leur tactiques selon les circonstances, et autorisent les personnes à utiliser une variété de tactiques appropriées à la situation. » // On a entendu une personne du collectif GCO non merci dire qu’ils ne voulaient pas de « black bloc » !!! Encore une fois, la diversité des tactiques et l’organisation en groupes affinitaires sont très appropriées dans des luttes pour empêcher des chantiers foireux !
5. Coordination
« Une forme de coordination et de prise de décision efficace est nécessaire pour unir les forces, que ce soit pour les actions individuelles ou pour les plus grandes stratégies de campagne. Les résistant·es désorganisé·e.s sont facilement isolé·e.s. Les guérillas armées ont souvent une unité de commande, une hiérarchie militaire est en place durant le conflit. Même les groupes anti-autoritaire ont besoin d’un processus de décision pour réagir rapidement pendant les urgences tactiques. Un processus efficace de prise de décisions est encore plus important pour les groupes résistants que pour ceux au pouvoir. Une armée d’occupation est plus puissante que la résistance même si elle est mal administrée. Les résistant·e.s doivent maximiser leur coordination pour utiliser au mieux leur faible nombre et faible force politique. Le processus de décision n’a pas à être hiérarchisé ou unifié. Qu’il soit orienté vers la commande, ou plutôt participatif, le plus important est qu’il soit adapté à la tâche à accomplir. Des méthodes qui nécessitent trop de discussions peuvent causer des problèmes, tout comme celles qui sont trop directives. » // Lors de l’opération Phoenix, nous nous sommes coordonné.e.s de manière décentralisée en créant des pôles spécifiques (construction de la cabane, cuisine, défense, comm’…). On s’est bien marré quand les gendarmes demandaient à parler « au chef » !! Si on est faibles, alors on doit s’organiser. Sinon c’en est fini de la lutte, c’est ce qu’on a finalement vécu.
6. Surprise
« La surprise est fondamentale pour toute action perturbatrice. La résistance combat souvent de grandes bureaucraties organisées de façon très formelle. Elles sont puissantes mais lentes à répondre. L’élément de surprise peut exploiter cette faiblesse pour prendre l’avantage tactique et stratégique. La surprise est un outil puissant pour toute sorte de mouvement de résistance. Les guérillas armées utilisent des attaques surprises, des embuscades. Les groupes non-violents utilisent la surprise pour multiplier l’effet de leurs actions. Elle n’est pas seulement importante d’un point de vue tactique, mais aussi d’un point de vue stratégique : une nouvelle tactique inattendue sera imitée et diffusée dans le reste du mouvement, donnant un avantage temporaire à la résistance. » // Nous sommes resté.e.s longtemps sur le même mode opératoire de blocages de chantier. On allait sur un chantier pour bloquer les machines. Au bout d’un moment, les gendarmes arrivaient, nous menaçaient, nous empêchaient de bloquer et puis c’était fini. Une fois, nous avions bloqué les énormes camions-bennes de Vinci au niveau de deux passages piétons à Ernolsheim-sur-Bruche en traversant en file continue d’aller-retour, totalement légal ! Ca a vraiment énervé les gendarmes ! En fait, ils évoluent dans un monde tellement formaté que là ce qu’on faisait c’était trop hors normes bien que légal, en plus on chantait, une camarade expliquait les plantes sauvages aux gendarmes… Ca nous a montré à quel point on pouvait facilement les surprendre ! L’opération Phoenix a aussi créé un bel effet de surprise. 7 brigades de gendarmerie ont été mobilisées et le commandant a dit que nous étions mieux organisé.e.s qu’eux !!
7. Simplicité
« Les bons plans sont des plans simples. Une expression dit qu’aucun plan ne survit au contact de l’ennemi. Les plans inutilement complexes se désagrègent rapidement en cas de changement rapide des circonstances du conflit. Ils sont difficiles à communiquer, et prennent trop de temps de discussion quand le consensus est nécessaire. Les plans simples exécutés dans les temps sont meilleurs que les plans détaillés exécutés en retard. En situation d’urgence, seulement les plans simples fonctionneront. »
8. Planification prudente
« Les actions irréfléchies gaspillent du temps et des ressources, voilà pourquoi les mouvements de résistance planifient souvent en avance, avec précaution. C’est encore plus valable pour les actions de groupes décentralisés, pour pouvoir faire face aux différents imprévus sans structure de commande. Les organisateur·rices envisagent différentes options et éventualités pour planifier une action et être sûr·es d’avoir les plus grandes chances de succès. Cela inclue notamment les renseignements, la reconnaissance, s’assurer que la logistique est disponible, l’entraînement des participant·es, etc. »
9. Exécution décentralisée
« Les mouvements de résistance sont rarement concentrés ou monolithiques ; ils sont souvent constitués de nombreux petits groupes, parfois éloignés géographiquement. Ils ont rarement une commande hiérarchique claire et unifiée. Et comme ils ne peuvent remporter de batailles rangées, ils maximisent leurs forces en déployant un grand nombre de petites actions décentralisées.
La stratégie peut être améliorée grâce à une planification centralisée, mais les tactiques sont souvent plus efficaces quand elles sont décentralisées. Une multitude de groupes décentralisés ou semi-autonomes n’est pas encombrée par la logistique des grosses organisations centralisées. L’exécution décentralisée permet un plus haut niveau d’agilité tactique et d’imprévisibilité stratégique. » // On a eu du mal à respecter ce principe de décentralisation… Il aurait fallu avoir plusieurs ZAD tout le long du projet. C’est d’ailleurs un principe qui nous semble important à appliquer de manière générale dans les luttes de défense de territoire. Avoir plusieurs lieux d’occupation et/ou de « base arrière » peut permettre la mise en place plus facile d’actions décentralisées par groupes affinitaires ainsi qu’une meilleure entente au sein de ces lieux qui non seulement sont des lieux de lutte mais aussi des lieux de vie.
10. Action de courte durée
« L’action de courte durée est une caractéristique primordiale de la guérilla. Les guérillas ont besoin de combiner les actions de courte durée avec la surprise pour tendre une embuscade, détruire ou voler une cible, et disparaître avant que les renforts ennemis arrivent. Des actions courtes et fréquentes sont plus faciles à réaliser, et plus perturbatrices qu’une seule action parfaitement planifiée et organisée. Les occupations et blocages de longues durée ont leur place mais doivent être initiés après un examen attentif. Les occupations peuvent ralentir les mauvais projets et servir de point de ralliement, mais peuvent devenir une routine fastidieuse si aucun progrès n’est fait. Une action ne devrait pas être ennuyeuse. Les perturbations sont mieux accomplies lorsque c’est rapidement, mais il ne faut pas pour autant être dogmatique car dans certains cas c’est l’action de longue durée qui est plus adaptée. » // Peut-être qu’on a là une des clés de nos difficultés, à savoir que sur les ZAD, on combine à la fois action de longue durée à travers l’occupation d’un espace géographique destiné à un projet merdique et organisation d’actions de courte durée. Lorsqu’une action est accomplie, le lieu d’occupation est immédiatement visé, ce qui le fragilise. Des gendarmes avaient débarqué au spot cherchant des personnes impliquées dans un blocage… De plus, on tombe vite dans la routine du quotidien et parfois on peut perdre de vue nos objectifs initiaux. Peut-être qu’on pourrait mettre en place une combinaison de zones d’occupation en mode lieux de vie (construction de cabanes, jardins, pratiques visant l’autonomie plutôt « inoffensives ») et de bases arrière discrètes un peu éloignées du projet servant à l’organisation d’actions de courte durée…
11. Actions multiples
« Les résistant·es utilisent souvent une multitude de petites actions, surtout des actions simultanées, pour submerger ceux au pouvoir. Les actions simultanées sont particulièrement efficaces quand elles respectent les principes de courte durée, de simplicité et d’exécution décentralisée. Et s’il y a un problème avec une des actions, les autres actions vont probablement réussir.
Ces différents principes évoqués ci-dessus ne sont pas à appliquer à la lettre mais suivant la situation. Il sont des schémas récurrents qui aident à amplifier la force de perturbation qu’un groupe peut déployer. Si votre groupe ou votre situation vous empêchent d’utiliser un principe efficacement, demandez-vous quel autre vous pouvez utiliser. Les tactiques qui fonctionnent utilisent souvent ces principes, que ce soit consciemment ou pas. »
Bien choisir sa cible
« Voici 5 critères de sélection utilisés pour évaluer et prioriser les cibles potentielles. Ces critères viennent des militaires, mais sont transposables dans les luttes non-violentes ou n’importe quelle campagne de perturbation ou de confrontation, qu’il s’agisse de sabotage ou de sit-ins de masse.
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Accessibilité : Est-ce que la cible est facile d’accès ? Les cibles accessibles peuvent être atteintes avec le moins de problème et de désordre possible.
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Vulnérabilité : Est-ce que la cible est facile à déranger, à bloquer, à détruire ?
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Réparabilité : Combien de temps nécessaire avant que ceux aux pouvoir puissent refaire fonctionner la cible normalement ? Une vitrine de magasin est facilement réparable, alors qu’un équipement très cher, rare, spécialisé prendra beaucoup de temps.
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Criticité : À quel point la cible est-elle importante pour le système de pouvoir ? Les cibles très critiques vont causer d’importantes perturbations ou confusion, comme par exemple une centrale électrique ou une autoroute.
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Menace : Dans quelle mesure la cible constitue une menace ou un dommage à notre camp ?
Une erreur courante des mouvements inexpérimentés est de s’attaquer à des cibles accessibles et réparables qui ne sont pas très importantes (comme casser la vitrine d’un magasin). Cela peut faire beaucoup de bruit sans provoquer de perturbation conséquente. Cependant, selon l’objectif de l’action, l’importance d’une cible peut être aussi bien symbolique que matérielle.
Un autre critère qui peut être important pour un mouvement de résistance est que la cible soit visible. Cela augmente les chances que l’action en inspire d’autres ou serve de propagande par le fait. »
Pour la planification d’une action, lire ou écouter le podcast sur https://floraisons.blog/podcast1-18/
« Pour gagner, nous devons construire des mouvements et des organisations qui nous rendent fort·es, qui nous permettent de dépasser les demi-mesures éparpillées et nous engager dans une réelle action collective. Convertir les actions isolées en une sérieuse stratégie de résistance est une des tâches les plus importantes — et les plus difficiles — de tout mouvement. Évidemment, juste avoir l’idée d’une stratégie n’est pas suffisant pour la mettre en place. Les stratégies qui réussissent requièrent toutes les capacités dont nous avons discuté dans cet ouvrage (des organisations fortes de différentes échelles, la capacité de recruter, de se protéger, et la logistique pour soutenir la lutte). Assembler tous les éléments nécessaires pour mettre en place une stratégie victorieuse est peut-être le plus grand défi de n’importe quel mouvement de résistance. C’est le sujet que nous allons aborder dans le dernier chapitre. »
A suivre…
gooooooooooooooooood
thank you