mais aussi celles des idées. La ZAD de Notre-Dame-des-Landes est un modèle au-delà la lutte elle-même et doit perdurer.
[SOLIDARITÉ] [LETTRE OUVERTE]
SOUTIEN INCONDITIONNEL AUX ZADISTES
Lettre ouverte aux habitant-e-s de la Zad de Notre dame des Landes, et plus particulièrement à celles et ceux qui, selon le gouvernement, légitimeraient l’usage de la force.
Ces jours-ci je scrute avec inquiétude et perplexité la stratégie gouvernementale habilement relayée par les médias pour en finir avec la Zad de Notre Dame des Landes. Vous avez récemment publié deux excellents articles sur le site de la ZAD : Tapis dans le bocage, la vérité sur les armes secrètes des zadistes et Le but de la médiation c’est la division… Dans ces articles, relayés assez largement sur internet, vous évoquez avec beaucoup de justesse l’immonde usage par la presse de mots très connotés pour vous décrire et vous stigmatiser, et pour faire émerger plusieurs catégories de zadistes. D’un côté les plutôt « bons », en tout cas ceux qu’on peut comprendre dans une certaine mesure et avec qui on est prêt à dialoguer (agriculteurs ou zadistes agriculteurs, voire quelques gentils utopistes rêveurs un peu déconnectés du monde réel mais qui ne feront pas d’esclandres et partiront d’eux-mêmes en cas d’intervention musclée des forces de l’ « ordre), et de l’autre les « méchants », qui sont résolument et intrinsèquement ralliés sous le mot d’ordre contre, donc violents, donc exclus des négociations, et donc expulsables quels que soient les moyens utilisés. Toute la stratégie du pouvoir repose sur une conception simpliste et très manichéenne du mouvement et du monde.
« La ZAD n’est pas un camp retranché d’ultra violent ! »
Depuis quelques semaines, on assiste, via les médias, à un cheminement lent mais acharné de la part du gouvernement vers la diffusion d’une volonté guerrière à votre encontre, qui se diffuse, qui s’affirme peu à peu comme une évidence dans l’esprit des masses: un tel mot choisi pour désigner les habitant-e-s de la ZAD, une image très suggestive d’un feu de palette en fond d’écran du JT, un sondage qui assoit le soutien de la nation aux opérations d’ « évacuation » par la force, l’intervention d’un ministre qui derrière la volonté supposée de paix annonce -avec un dédoublement déconcertant- l’usage nécessaire de la violence (faire la guerre pour être en paix, toujours la même rengaine, l’usage de LEUR violence étant toujours légitime, sympathique, bienveillante même, alors qu’une riposte ou une défense face à leurs méthodes coercitives est considérée comme éminemment dangereuse pour LEUR ordre public…).
Quiconque ignore à qui appartiennent les médias, quiconque méconnaît les techniques utilisées pour orienter un sondage, quiconque est dupe quand à la partialité de l’état français dans sa collaboration à la toute-puissance de l’économie mondiale se laisse hypnotiser et convaincre par ce discours lancinant… Au goutte à goutte, on assiste à la mise en place dans la conscience collective de cette volonté certaine d’en finir avec l’expérience zadiste, expérience que l’état ne parvient pas à encadrer, à comprendre, à accepter, expérience hors norme, hors de l’imaginaire restreint des hommes de pouvoir, expérience qui présage d’autres possibles et d’autres issues à notre triste société routinière de l’hyper consommation et du burn-out, expérience qui fait voler les murs gris du quotidien pour proposer d’autres horizons. Et cela, non, c’est impossible… Octroyer à une partie du peuple, à ceux qui ne se reconnaissent pas dans l’actuelle forme de société imposée, 1600 hectares sur les 64 millions qui constituent la France, soit une miette, une poussière, non, jamais !
En cela, l’État affirme sa répugnance à s’ouvrir à d’autres formes d’expérimentations de la vie collective, sa curiosité est NULLE, il veut TOUT. Rétablir l’État de droit ??? Quels droits pour ceux et celles qui rêvent à un autre monde ? Et si, de manière définitive, certain-e-s ne se reconnaissent pas dans le modèle en place, d’après une logique qui leur est propre et qui demanderait à être débattue publiquement, largement, pour tester sa validité ? Quelle place pour eux, pour elles, sinon aujourd’hui l’oubli, le mépris voire l’anéantissement???
« La ZAD, c’est bien plus qu’une simple opposition à… »
Le gouvernement ne pourrait-il pas laisser vous laisser 0,000025 % du territoire qu’il « gère », par curiosité, pour une expérience inédite, vivante, d’une autre forme de société humaine ? Est-il à ce point arrogant et sûr de lui pour affirmer ainsi que son modèle est le seul qui puisse exister, le seul valable ??? Quel manque de recul, alors, si jamais ses perspectives et plans s’annoncent pernicieux et funestes, quelle bêtise d’avoir verrouillé toutes les portes de secours pour s’acheminer vers un monde plus viable ! Quelle posture dangereuse pour tout-un-chacun, et en miroir, quelle joie de vous voir explorer d’autres formes de vie commune !!!
Ces derniers jours, donc, nouvelle stratégie à votre encontre, nouvelle illusion de négociations dans un scénario où l’enjeu est d’éradiquer cette expérience collective : José Bové vient, en symbole corrompu et institutionnalisé de la résistance du Larzac, se placer aux côtés de Nicolas Hulot, le modèle de l’écologie bourgeoise au service des multinationales et des banques. Et derrière cette iconographie destinée à séduire les réfractaires bien-pensants au projet d’expulsion de la ZAD, derrière ces deux Che Guevara de la ménagère gauchiste, quel discours peut-on lire entre les lignes ? Encore et toujours, la vénération absolue de l’Argent par le biais de l’Insertion Sociale par le Travail… Ou comment l’État brandit son nouvel appât pour brouiller les cartes et tricher une fois de plus, fait semblant de vouloir concilier et comprendre, mais impose son cadre et sa législation pour reprendre le contrôle sur la Zad, pour vous diviser, et diviser l’ensemble du peuple. Les agriculteurs, eux qui paient des cotisations annuelles à l’État français, eux qui participent malgré tout à l’économie du pays, au PIB et à tout le bousin, eux qui versent l’impôt, restent MALGRÉ TOUT de bons contribuables qui graissent les rouages de la machine capitaliste ; ils seront donc au centre des négociations. Les zadistes-agriculteurs, ceux qui ont déclaré une activité salariée, ceux qui sont enregistrés et détiennent leur numéro d’identifiant à la MSA, eux aussi auront leur chance et pourront tirer leur épingle du jeu, dans cette stratégie qui ne vise qu’à diviser et à éradiquer le cœur du mouvement qui est : l’entraide collective et l’expérimentation au jour le jour d’un autre modèle…
José Bové se présente en héros du terroir et du bon fromage, en valeureux paysan, à l’écoute de ceux qui sont là pour prendre soin de la terre, (traduire à l’écoute de ceux qui l’exploitent et en tirent un bénéfice, ceux qui monnayent leur travail dans le circuit conventionnel imposé, ceux qui sont soumis à l’axiome sur lequel la société entière repose : Travail au service du dieu Argent). Que les choses soient claires, je ne fustige en rien les agriculteurs de la Zad, loin de là, je pense que c’est la diversité de vos différentes postures qui fait la force du mouvement. Simplement, le point d’entrée du gouvernement pour chercher à vous diviser est pour moi très clair et repose sur une illusion puissante sur laquelle repose l’ensemble de la société actuelle.
L’État, avec toute sa miellerie, tous ses sourires hypocrites, nous endort une fois de plus en faignant un compromis, accommodant pour tout-un-chacun afin de sortir de la crise, alors que ses propositions rétablissent de manière unilatérale et dans son intégralité son fonctionnement de principe qui perdure depuis trop longtemps, et qui est l’adhésion de gré ou de force au monde du travail ; il n’y a aucun contrat où chaque partie après de longues négociations débouche sur un accord, l’état propose SA solution, en l’enveloppant de sucre et de sa mascotte José Bové pour faire croire à un compromis, et n’envisage aucune option ou proposition qui émanerait de la partie adverse.
« La ZAD, ce n’est pas non plus que des occupant.e.s-paysan.ne.s »
Mais quid de la question centrale de l’expérience zadiste avec l’apparition de José Bové à la rescousse des agriculteurs ? Éradiquée, volatilisée, soufflée. Au mieux, les gens partiront d’eux-mêmes (sous-texte : il n’y a et aura de toute façon aucune place pour eux). La majorité des habitant-e-s de la Zad ne s’inscrivent pas dans la logique de l’emploi au sens tristement classique qu’on lui attribue, donc ils ne sont pas, ils sont effacés. Celui ou celle qui œuvre, depuis de nombreuses années, sur ce territoire, qui l’aménage, construit, cultive, vit, expérimente, plante, récolte, joue, rit et pleure : son existence n’a aucune validité puisqu’elle ne s’inscrit dans aucun projet professionnel. Ils sont des sous-humains, leur vie a moins de poids et de substance que celle de ceux qui cotisent et conséquemment le traitement qui leur sera infligé visera à leur faire comprendre où est leur place. Quelle violence inouïe, quelle cruauté, quel manque de poésie et d’imagination !!! L’État affirme et réaffirme toujours l’unique potentialité du genre humain qu’il autorise : la mise sous servitude. L’image de José Bové, sa main tendue vers les agriculteurs, les méritants, les travailleurs, a pour conséquence directe l’oubli et l’effacement de tous les autres habitants du lieu et leur mépris le plus total.
N’oublions pas, nous, que sans vous, zadistes « inclassables », zadistes « oublié-es », « stigmatisé-e-s » l’expérience vécue de la Zad n’aurait pas tout ce sens porteur d’une promesse ouverte sur demain.
Bien loin de la calomnie injuste qui vous frappe, habitant-e-s de Notre dame des Landes, je vous adresse toute ma gratitude et mon respect, frères et sœurs, pour ce que vous écrivez dans le présent du monde.
Mathilde
A vous tou-s-tes, habitan-t-es loca-les-ux concerné-e-s ou motivé-e-s par le-s projet-s et/ou les menées inquiétant-e-s de l’ / d’ autorité-s décérébré-e-s qui nous a / ont condamné-e-s à occuper des lieux / terres menacé-e-s et fragilisé-e-s par des possédant-e-s inconscient-e-s uniquement préoccupé-e-s par des visées et bénéfices injustifié-e-s, irréfléchi-e-s et / ou non partagé-e-s par les occupant-e-s légitimes et autres victimes floué-e-s et spolié-e-s de leur-s jouissance-s naturelle-s d’espaces et de terres jusque là préservé-e-s : résiste-r-z, et n’abdique-r-z jamais !
Rire ! Vous poussez le bouchon un peu loin… voir notre réponse dans l’article « Nos Meilleurs Voeux » suite à votre commentaire sur l’écriture inclusive…